Paysages incertains
Dérives et Fondations

1997 – 2003

Ces œuvres proviennent de trois séries photographiques réalisées au début de ma pratique artistique. Dans ces corpus, j’utilise le collage et la retouche infographique pour réfléchir sur la facticité des lieux qui nous entourent. Ces paysages nous semblent familiers, mais ils sont construits à partir de plusieurs images que je fusionne ensemble. J’utilise la «transparence» de la photographie pour fabriquer des espaces qui sont à mi-chemin entre le document et la fiction.

À première vue, les photomontages réalisés dans la série Paysages incertains ont l’apparence de lieux naturels. Pourtant, ce n’est pas le cas. À l’instar des paysages dont ils tirent leurs sources, ils représentent une nature réagencée. Souvent, nous oublions que ces paysages sont des résultats de mises en scène, car ils se confondent aisément avec leurs modèles originaux. Ils sont en quelque sorte devenus notre « nature » et se prêtent tout aussi bien aux activités de plein air. Les séries Dérives et Fondations sondent la périphérie des villes où des espaces chaotiques se propagent, mais passent souvent inaperçus. Hésitant entre ville et campagne pour n’opter pour ni un ni l’autre, ils abondent en événements déconnectés les uns des autres. Ce sont des lieux où s’illustrent les tensions, les combats et les disparitions qui marquent le tissu social et urbain. Ces formes d’inorganisations urbaines témoignent de notre époque et mettent en évidence certains malaises propres à nos sociétés.

Nos milieux naturels, ruraux et urbains ont connu des transformations majeures, plus particulièrement depuis trente ou quarante ans. La mobilité, aussi bien physique que médiatique, a reconfiguré nos espaces comme nos modes de vie. L’univers hautement médiatisé dans lequel nous vivons aujourd’hui installe davantage d’espaces abstraits et d’environnements fabriqués. Nos perceptions sont investies par les moyens d’une culture technique qui transforme, condense et reconduit celles-ci vers un monde plus construit et plus orchestré. Ces transformations sont amplifiées par la globalisation des échanges qui s’applique à tout uniformiser et standardiser; les lieux et les expériences tendent ainsi à devenir interchangeables à notre époque. La culture planétaire que nous connaissons aujourd’hui met en place un monde de plus en plus « lisse ».

Nous avons le privilège de construire le monde que nous habitons, comme celui qui nous habite. Ce n’est évidemment pas un phénomène nouveau, mais nous disposons de moyens sans précédents pour le faire. Nous donnons forme à des univers autrefois impossibles et impensables. Nous agissons sur ce qui nous entoure et intervenons sur le cours des choses comme jamais auparavant. Manipuler ou jouer avec les données du monde n’a plus rien d’irréel: notre univers devient malléable. Nos visions et nos modes de vie ont de toute évidence plus de conséquences sur les espaces que nous occupons.

3 corpus regroupant 21 images de grands formats