Maisons modèles

2004 – 2007

Les images de cette série ont été fabriquées à partir de photographies de maisons de banlieue et de maisons modèles, aussi appelées maisons témoins. Le corpus se présente comme une enquête sur les banlieues d’aujourd’hui, mais se veut aussi un portrait de société.

Les nouvelles banlieues, ce ne sont plus seulement des zones sans âme — anonymes, standardisées et uniformes; elles ont en fait de véritables identités, mais qui sont fabriquées de toutes pièces, comme des décors. De vastes territoires sont aujourd’hui abandonnés à des promoteurs dont la vision relève avant tout de stratégies commerciales. Leurs aménagements n’ont généralement rien à voir le contexte original des lieux qu’ils investissent : ce sont des amalgames d’identités culturelles et d’imaginaires calqués.

L’habitation y subit le même sort : on y greffe des symboles et des références empruntés à des histoires qui n’ont rien à voir avec la nôtre. On voit apparaître des simili-villages, d’un style que l’on pourrait qualifier de faux-authentique, pastichant des modes de vie disparus. Des attraits pittoresques sont fabriqués, des pseudo-valeurs patrimoniales sont inventées pour attirer une clientèle friande de distinctions et de saveurs du terroir ajoutées. Ces paysages factices passent souvent pour du vrai aux yeux d’une partie de la population, créant une confusion entre ce qui appartient réellement à notre héritage culturel et ce qui n’est qu’une valeur marchande de substitution. Ce phénomène crée des perceptions erronées de ce que nous sommes.

C’est à partir de ces réflexions que j’ai amorcé ce projet. J’ai photographié diverses habitations, des maisons modestes aussi bien que des résidences luxueuses. Elles proviennent principalement des nouveaux développements domiciliaires de la périphérie de Montréal et des installations d’un manufacturier d’habitations préfabriquées. Par infographie, chacune a ensuite été métamorphosée puis relocalisée dans un nouveau contexte. On peut faire un rapprochement entre mes modèles virtuels et ceux que l’on peut voir dans les catalogues et sur les sites Internet des fabricants de maisons. La composition et le cadrage y sont semblables et mes modèles portent aussi des noms de femmes (une pratique courante dans cette industrie.) Mes mises en scènes sont en revanche beaucoup plus étranges et dérangeantes, voire déconcertantes… Le but n’étant pas ici de façonner la réalité en fonction d’une mise en marché, mais d’attirer l’attention sur ce phénomène pour susciter un regard critique. Chacun de mes modèles forme un portrait qui développe un aspect différent des relations de nos sociétés à leurs territoires. Ces maisons deviennent ainsi des témoins de notre habitation actuelle du monde.

10 images de grands formats